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Le clown se sent seul


Un clown, c’est ce que je suis. Du moins, c’est comme ça qu’on me décrit. La fille «fofolle» qui lance des niaiseries plus vite que son ombre. La fille qui rit tout le temps, fort, un rire plus grand que nature. J’ai l’autodérision facile et j’aime taquiner. J’aime faire rire; plus ça ri, plus j’en rajoute. 


C’est un masque. Un masque de clown. Un masque cachant des années de souffrance, des années de non-dits, des années de tourmentes dans ma tête et dans mon cœur. C’est un masque efficace, mais il y a des jours où j’ai juste envie de le lancer au bout de mes bras. C’est épuisant, le jeu du clown. C’est fatiguant de faire semblant. C’est lourd de toujours cacher ses émotions, garder la colère, la peine, l’anxiété bien enfouie. Ça pèse sur les épaules et le cœur.


Je me suis créée une image de fille drôle, oh combien divertissante, mais la réalité est tellement loin. En dedans, ça tremble de partout, c’est instable, c’est brassé par les grands vents, l’orage menace d’éclater à tout moment et quand je laisse entrevoir la fille brisée derrière le clown, j’ai honte.


Je n’ai pas honte de qui je suis, j’ai honte de le cacher. Je suis la première à crier haut et fort qu’on doit parler de santé mentale, qu’on ne doit pas se cacher, que plus on en parlera, plus le tabou tombera. Je trouve ça lâche de se cacher et pourtant, je me glisse derrière mon masque de clown, une blague à la fois, un calembour après l’autre. Je souris pour ne pas pleurer. Je ris pour ne pas hurler. 


C’est probablement pour ça que j’aime autant écrire. Parce qu’à l’écrit, le masque tombe. Il n’y a aucun artifice, pas de paillettes, pas de sourire forcé, pas de rire éclaté. À l’écrit, c’est le clown brisé qui se laisse ancrer dans qui il est vraiment. 


Pourquoi se cacher derrière de faux sourires, une bonne humeur exagérée? Parce que c’est plus simple? Parce que malgré la famille, les amis, les collègues, chaque clown se sent affreusement seul derrière son masque. On se sent incompris. Voilà pourquoi le masque est plus facile à porter qu’à enlever.


Le clown se sent seul.



Virginie


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