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Le malade imaginaire

Ils disent que je suis négatif, je me considère réaliste. Ils disent que j'angoisse pour rien, je considère qu'ils n'angoissent pas suffisamment. J'ai peur de ce qui m'entoure constamment...j'ai même peur de sortir de chez moi. D'ailleurs, je ne le fais plus. Depuis maintenant 6 mois, je m'exerce à faire de l'exposition graduelle. Je me promène sur les grandes artères de la ville et j'attends.


1 minute: Je commence à avoir les mains moites. 1m30: J'ai de moins en moins de salive. 2 minutes: Les palpitations sont intenses, trop intenses. Ma psy m'a dit de rester 5 minutes assis sur un banc à observer tranquillement, sans trop me tracasser. Et je n'y arrive pas... 2min30: Ça y est, je vois flou, mes mains tremblent. 3 minutes: Je me sens devenir fou, la mort semble vouloir me prendre avec elle. 3min30: Je n'en peux plus, il faut que je parte!



4min: Je n'ai toujours pas bougé, non pas par courage, mais parce que mes jambes ne m'obéissent plus. Je suis complètement paralysé, je ne respire plus, on dirait que tout le monde me regarde....faites que ça cesse mon Dieu je n'en peux plus!!!


7 minutes: Je suis de retour chez moi, je ne sais pas trop comment j'ai fait d'ailleurs, ce n'est plus moi qui pilotait mon corps. Je suis revenu par automatisme. Je suis fatigué, très fatigué! Et découragé. C'était la 5e fois cette semaine, j'étais à 2 minutes de chez moi, mais je me sentais à l'autre bout du monde. Je tremble encore, j'hyperventile et, peu importe à quel point je me concentre sur ma respiration, je suis incapable de reprendre de l'air.


TAG, trouble panique, agoraphobie...je crois que je les ai tous, au point où ça me rend dépressif. Comment fonctionner normalement quand notre cerveau est anormal? Je suis triste d'être triste, angoissé d'être anxieux, fâché d'être en colère et surtout très malheureux...Je sens que ce monde me demande d'accélérer alors que j'aurais besoin de ralentir. Alors je ne bouge plus, qu'il aille se faire foutre ce monde de toute façon! Je resterai chez moi jusqu'à ce que j'en crève et tant pis! De toute façon, chaque pas à l'extérieur m'arrache une force que je n'ai plus. Alors je régresse de jour en jour et ça pèse de plus en plus lourd. Non, il faut que je fasse quelque chose!


10 ans plus tard...


Après 10 ans à me battre contre l'anxiété, j'ai commencé à l'accepter. J'ai encaissé les expositions graduelles, les crises de panique et me suis restructuré mentalement. Je respire! Bon Dieu que ça fait du bien! Je ne suis pas à l'abri d'une rechute, mais je ne suis plus cet homme qui avait peur de son ombre. Je me sens revivre, j'ai fait du chemin, à pas de tortue et surtout, j'ai arrêté de vouloir trop en faire. Rome ne s'est pas bâti en un jour qu'ils disent. Et bien une santé mentale, ça ne se refait pas en claquant des doigts non plus. Respire, encaisse, recommence, mais vas-y à ton rythme. Le temps attendra!


Je suis passé de 15 crises de panique par jour, coincé à la maison, incapable de vivre, toujours en mode survie...À cet homme reconnaissant des plus minimes réussites, voyant le monde comme un miracle et qui ne panique plus autant. Toi qui a la santé mentale fragile, tu n'es pas que maudit, tu es béni aussi. Tu connais la valeur d'une journée en santé et, quand tu géreras un peu mieux tes émotions, tu réaliseras que tu n'es rien de moins qu'un petit miracle, un battant et une force de la nature. Tu l'es déjà d'ailleurs, mais tu ne le réalises pas encore.


Bien à toi mon ami, qui que tu sois, aime-toi comme je t'aime, embrasse ta condition au lieu de tenter de la fuir et elle te rendra ton affection.


Le malade imaginaire

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