Quand craindre d’être abandonné rend toxique
Depuis mon enfance, j’ai été soumise à l’abandon de nombreuses fois, au point où, en tant qu’adulte, j’ai développé des problèmes importants au niveau de mon affection pour les autres et de mon comportement.
À la naissance, mon père biologique n’a pas voulu de moi. Comme plusieurs enfants qui naissent chaque jour, j’ai été abandonnée une première fois. Je m’accrochais à tout ce qui me faisait sentir bien, en sécurité. J’avais besoin de réconfort. Ceci a mené à la croissance d’un trouble anxieux généralisé.
Lorsque ma mère était accro aux jeux d’argent et de hasard, je regardais toujours l’heure pour voir si elle commençait à se préparer pour aller au Bingo qui débutait à sept heures. Je savais que si elle se dépêchait, elle partait, sinon, elle restait avec nous. Je veillais donc à son retour. Je fixais le temps, j’écoutais aux portes, je regardais par la fenêtre. J’avais peur que ma mère m’abandonne, elle aussi.
Dans ma petite tête d’enfant, je me disais que si je passais du temps avec mes proches, que je développais une relation, je ne serais pas abandonnée. Ça calmait cette anxiété invasive.
Au fil des années, je me suis construit une carapace sous le couvert de l’anxiété. Je désirais plaire, je ne voulais pas déranger, j’ai pris l’habitude de m’excuser de m’excuser. Si je fais tout ce que les autres souhaitent, ils ne m’abandonneront pas, non ? Malheureusement, la vie m’a prouvé le contraire. J'ai vécu des abandons qui ont laissé des marques indélébiles sur ma santé mentale.
En tant qu’adolescente, j’acceptais l’amour qu’on me donnait, car je craignais d’en manquer. Je fonçais tête baissée en me persuadant que « c’était pour la vie ». Je faisais pareil avec mes amitiés. Cependant, malgré mon bon vouloir d’être une personne saine et de respecter les limites de chacun, j’ai commencé à avoir des comportements toxiques. Je fouillais pour savoir à qui mes amis parlaient, je voulais connaître tout ce que mon copain disait, pensait. J’avais si peur d’être abandonnée que je devenais trop. Je devenais problématique. Ce n’était même pas une question de jalousie… je voulais simplement savoir, avoir le contrôle, car je savais que je ne supporterais pas l’abandon… et chaque abandon a renforcé mes comportements toxiques.
Dans ma dernière relation, je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour donner à mon conjoint ce dont il avait besoin. J’avais si peur de le perdre, moi qui l’aimais tellement, que je me suis un peu oubliée là-dedans. J’allais mal, mais je ne disais rien, je ne voulais pas qu’il me quitte à cause de mon anxiété ou mon mal-être. Sauf que mon désir à être toujours près de lui a fini par le repousser. Je voulais être aux faits d’à qui il parlait, ce qu’il pensait, ce qu’il désirait faire, sans arrêt. Avoir eu le pouvoir d’être dans sa tête, je l’aurais fait. Ce n’est pas un comportement sain, encore moins normal. Craindre qu’il m’abandonne m’a poussé à agir de façon toxique, conduisant à une séparation, malgré l’amour partagé. Plus je craignais l’abandon, plus je devenais anxieuse et plus je devenais anxieuse, plus je repoussais ceux autour de moi.
Ma peur de l’abandon et mon anxiété m’ont rendu toxique. Et cette toxicité mène à l’abandon. Un cercle vicieux problématique qui m’amène à me demander ce que je peux faire pour ne pas reproduire ces schémas, ce que je peux faire pour maîtriser ces pensées intrusives, ces envies de tout contrôler. Ma santé mentale s’est retrouvée au plus bas en constatant à quel point craindre d’être abandonnée avait affecté toutes mes relations humaines, qu’elles soient amicales, amoureuses ou familiales.
En étant consciente de mes comportements toxiques, je peux faire de l'introspection, mais ce n’est pas toujours facile, surtout quand tu réalises que ta conduite actuelle, en tant qu’adulte, part de traumatismes datant de l’enfance. Je peux en parler aux gens autour de moi, de cette peur, me confier. Ils peuvent comprendre à leur manière. Je peux aller voir des professionnels. Je peux trouver des solutions pour calmer cette anxiété, expliquer mes comportements, expliquer cette peur pour que les gens qui me sont proches puissent comprendre la conduite toxique, voire même m'avertir. C'est en s'ouvrant aux gens qu'on réalise que l'abandon s'éloigne.
Nous devons tous, à un moment ou un autre, travailler sur soi, sur le mal-être qui nous ronge, sur les pensées qui s’installent dans notre tête, avec ou sans notre consentement. Je suis toxique parce que j’ai peur d’être abandonnée. Je suis toxique, car j’ai besoin d’amour et de réconfort. Je suis toxique, car mon anxiété me gruge de l’intérieur et m’amène à imaginer le pire. En acceptant ce constat, j’apprends, j’évolue, je trouve des solutions. En étant consciente de cette problématique, je peux fournir les efforts nécessaires pour ne pas reproduire ces comportements malsains, évoluer en tant que personne et surtout, pour une fois, agir pour moi.
Car la personne la plus importante dans sa vie, c’est soi-même.
- Jessica Di Salvio
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