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T'inquiètes-tu de ma normalité ?

Aujourd’hui, la levée du lit se fait péniblement. Les idées tournent : je ne suis pas à la hauteur, je ne vaux rien, je suis grosse... Respirer me fait mal. Je resterais couchée jusqu’à ce soir, sans faire quoi que ce soit d’autre que ruminer. J’angoisse sans savoir pourquoi. J’écoute le silence. Il me pénètre comme un couteau. Je n’ai qu’une envie : pleurer, seule. Mais je me lève. Le boulot m’attend. Ça ne sera pas une bonne journée, mais je les connais, les mauvaises. Je peux y arriver. Mon chum me voit, fléchit les sourcils et me dit : « T’as pas l’air dans ton assiette… » Visiblement, il s’inquiète.


Aujourd’hui, à 4 h du matin, je ne tiens plus en place. Je souris à mon ordinateur, écris furieusement plusieurs textes en même temps. Je me sens gorgée d’énergie ; les pensées papillonnent. Je planifie le déroulement des prochaines 24 h, ajoute des tonnes d’items à ma liste déjà bien remplie. Les écouteurs aux oreilles, la musique éclate mes tympans. Je désire danser, chanter, rire. C’est une bonne journée. Mon chum sort de la chambre et me dit : « Es-tu correcte ? » Manifestement, il s’inquiète.

Aujourd’hui, l’anxiété joue à grimper les escaliers de ma cage thoracique. La nausée envahie ma bouche à la simple idée de devoir prendre ma voiture. Un chemin inconnu me cause à coup sûr une montée de stress qui vrille ma cervelle. Ma tête tourne et je cherche désespérément un moyen d’éviter de devoir affronter ma terreur. Je sais que fuir l’objet de ma phobie constitue la pire chose à faire si je veux m’en débarrasser, mais… il y a toujours un mais. Le bon moment n’existera jamais pour confronter mes peurs. Comme j’hyperventile, mon chum, inquiet, offre d’aller me reconduire.

Aujourd’hui, je suis conviée à une activité que j’attends depuis des mois. Elle se déroulera loin de chez-moi. En fait, je ne sais même pas où cela se situe au juste, mais peu importe, je vais m’y rendre, phobique de l’auto ou non. Mon chum, inquiet pour moi, me dit : « t’es sûr que ça va aller ? »

Aujourd’hui, je me suis pesée et je n’ai pas aimé ce que j’ai vu. Devant le miroir, mon corps prend de l’expansion en direct devant mes yeux. Je tâtonne mes cuisses, empoigne mon ventre, enserre mes bras avant de pousser un cri de rage. Je ne pourrai rien avaler de la journée. Je racle mes All Bran dans mon bol, dégoûtée, pour ensuite les envoyer valser au fond de la poubelle. Mon chum bourrasse que je rechute toujours comme ça, que je dois manger. Selon moi, il s’inquiète.

                                                                            

Aujourd’hui, je me sens audacieuse et j’ose m’aventurer dans un écart alimentaire : une poutine. Ça m’a pris sur un coup de tête, je sais que je vais me sentir ultra coupable après, mais j’en avais une envie folle. Mon chum inquiet me dit : « T’es sûr que t’es pas en train de faire une crise de boulimie ? »

J’ai beau être étiquetée bipolaire, anorexique, anxieuse, etc. J’aimerais tellement dire à mon chum et au monde entier que fluctuer, ce n’est que normal et non pas tout le temps synonyme de pathologie. La tristesse n’égale pas nécessairement un symptôme de récidive dépressive, pas plus que l’excitation équivaut à un virage en manie. Bouder un repas ne me classe pas systématiquement en rechute anorexique et je ne tombe pas dans la boulimie du moment que je déroge de mes règles alimentaires. Mon anxiété joue les yoyo : et alors ?


Ce n’est pas parce qu’on a été diagnostiqué d’une quelconque maladie que la normalité ne s’applique plus. La normalité, c’est des humeurs qui varient plus ou moins pour tous dépendent de ce qui est vécu à un moment donné. Bon, ma normalité s’est redéfinie quelque peu : je varie plus que la moyenne des ours, mais de là à dire que je retombe, une marge existe.


Tout n’est pas relié à la maladie. Il y a la vie aussi.



Chloé C.

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