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Troubles alimentaires : le poids des mots

C'était en 2018. Je me promenais avec mon conjoint par une belle journée d'été. Nous avons croisé l'un de ses anciens collègues qui s'est empressé de me féliciter pour ma grossesse. Le hic ? Je n'étais pas enceinte. J'ai joué le jeu et l'ai remercié. Pourquoi je l'ai fait ? Probablement pour ne pas causer de malaise. 


La même année, j'ai eu des funérailles. Nous étions en ligne pour recevoir les sympathies des gens qui venaient rendre un dernier hommage à cet être cher que nous venions de perdre. On m'a encore une fois félicitée pour ma grossesse. Je suis sortie en pleurant du salon funéraire et j'ai décidé que c'en était assez.


Je me suis inscrite à la gym et j'ai commencé à suivre un plan alimentaire strict. Chaque gramme de nourriture qui entrait dans mon estomac avait été pesé avec soin. Je m'entraînais 5 ou 6 jours par semaine pendant environ 1h30 à chaque fois. Les kilos se sont mis à s'envoler rapidement. J'avais droit à une myriade de compliments. Ça m'encourageait à continuer. 


Ce que les gens ignoraient, c'est que pour m'autoriser à manger au souper, je jetais mes repas le midi au travail. Ils ignoraient que si je mangeais un seul gramme de trop dans ma journée, j'allais m'entraîner deux fois plus fort le lendemain par culpabilité. Ils ignoraient que la nourriture était la seule chose à laquelle je pensais. Matin, midi et soir. Ils ignoraient que je refusais leurs invitations à souper, pas parce que j'avais des plans comme je leur avais raconté, mais parce que j'avais peur de perdre le contrôle. Parce que la restriction amène la perte de contrôle. 


Je ne compte plus les fois où j'ai mangé des paquets complets de biscuits sans en savourer une seule bouchée. J'étais affamée. Je pouvais engloutir des quantités astronomiques de nourriture dans des temps records. Après, la culpabilité embarque et tu te restreins encore plus pour te punir de ton écart de conduite. Il y a plusieurs jours où j'ai seulement bu du café noir pour éviter d'ingérer trop de calories. Et un jour, tu n'en peux plus et tu t'empiffres encore une fois et le cycle de restriction et de perte de contrôle ne fait que s'aggraver. 


En mars 2020, la COVID est arrivée. Ça m'a probablement sauvé la vie. Je ne pouvais plus me cacher. Je ne pouvais plus jeter mes repas et m'empiffrer en secret puisque mon conjoint était toujours là ! C'est à ce moment que j'ai réalisé que j'avais un problème. 


Je n'arrivais pas à m'en sortir seule. J'ai alors consulté une nutritionniste qui m'a aidée à m'en sortir. Ça n'a pas été facile, mais j'ai réussi. J'ai repris tout le poids perdu et même plus. Pourtant, je n'ai jamais été aussi bien dans mon corps et dans ma tête. 


À toi, qui parfois fais des commentaires sur l'apparence des gens, je sais que tu es rempli de bienveillance. Mais tu ne sais jamais ce qu'une personne traverse et à quel point tes mots peuvent être lourds de conséquences. 


À toi, qui n'aime pas son reflet dans le miroir et qui reçoit peut-être des commentaires désobligeants, sache que tu es assez. Tu es une belle personne à l'intérieur comme à l'extérieur.


Et à toi qui vis ou qui as vécu avec un trouble du comportement alimentaire, tu n'es pas seul.e. Même si la route est longue, sache que tu peux t'en sortir. Rappelle-toi que ta valeur n'est pas définie par ton poids. 



Anonyme


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