Je suis cette personne dans mon cercle d’amis qu’on décrit comme intense. Qui rit fort, qui parle fort, qui pleure fort. Oui, quand je suis là, difficile de me manquer. Mais que cache en réalité cette intensité ?
Dans la face cachée, celle sous le masque, on retrouve une humeur en dents de scie, changeante au gré des événements, aussi petits soient-ils. On y aperçoit des vagues de larmes retenues avec force. On y ressent une haine de ne pas être plus équilibrée.
Les gens me voient intense, moi je me sais bipolaire.
Je navigue entre des envies de changer le monde et des envies de ne plus voir personne pendant des jours. Entre un sentiment de « super woman » intouchable et un sentiment de vide immense au bord du gouffre.
Je suis cette personne qui passe d’un trop-plein d’idées à une fatigue écrasante, sans transition.
Je suis cette personne qui peut se lever avec le monde au bout des doigts, aimer la vie comme si demain n’existait pas, et se réveiller deux semaines plus tard, la magie estompée, en se demandant si elle en fait encore partie.
Je suis cette personne qui rêve de projets grandioses, mais qui sait que ceux-ci ont une date d’expiration.
Je suis cette personne qui a mis du temps à comprendre que ce n’était pas une faiblesse, mais une réalité. Une réalité que j’aurais préféré ne pas connaître, mais avec laquelle je dois maintenant composer.
Un fonctionnement neurologique différent. Un cerveau qui ressent plus, qui pense plus, qui vit plus… et qui parfois s’épuise plus.
Je suis cette personne qui, depuis son diagnostic de trouble bipolaire type 2, apprend à faire la paix avec ses tempêtes. À mettre des mots sur ce qui faisait peur. À apprivoiser le chaos pour y trouver un certain calme.
Pendant longtemps, j’ai cru que j’étais simplement « trop ». Trop émotive. Trop hypersensible. Trop à fleur de peau. Jusqu’à ce que je reçoive le diagnostic qui est venu mettre des mots sur ce que je vivais depuis toujours.
Et ce n’est pas juste un mot. C’est un tsunami qui emporte, qui désorganise, qui isole, mais qui, une fois apprivoisé, peut aussi nous apprendre à danser avec la mer.
Le trouble bipolaire, c’est vivre à l’extrême. C’est ressentir chaque émotion comme si elle occupait tout l’espace, comme si elle était la seule chose qui existait. C’est avoir des idées à la seconde, ne plus dormir pendant des nuits, se sentir invincible… puis s’écrouler sans prévenir, sans comprendre pourquoi.
Je suis cette personne qui consulte, qui essaie, qui échoue, qui recommence. Qui prend ses médicaments même quand c’est lourd. Qui note ses humeurs. Qui met des limites. Qui apprend à dire non. Et surtout, à se dire oui.
Je suis cette personne qui vit fort, aime fort, panique fort, espère fort. Que serait le monde sans espoir de jours meilleurs ?
Et je suis aussi cette personne qui tend la main. Qui écrit ces mots pour dire, à toi qui te reconnais en moi : tu n’es pas seul·e. Tu n’es pas trop.
Tu es juste assez, exactement comme tu es.
Tu mérites de t’aimer dans chaque version de toi-même, et d’être aimé·e dans toutes tes couleurs, même celles qui débordent un peu, qui crient trop fort et qui pleurent en silence.
Et si un jour tu doutes de ta valeur, relis ces mots. Ils ont été écrits pour toi.
– Isabelle